Archive pour chercheur

Le Gloire mais pas la thune

Posted in Mensonges et plus si affinités with tags , , , , , , , , , , on 2 octobre 2010 by violemmenthumaine

Salut Inconnu/inconnue,

Oui, bon, d’accord, je ne suis pas là souvent…..

Mais,

1) mon barbu était sur le même méridien et à la même latitude que moi ces quelques dernières semaines,

2) fin aout début septembre c’est l’un des plus gros pics annuels d’offres et donc de recherche d’emploi, et comme tout le monde le sait sauf les services de l’ éducation dans les mairies, chercher du boulot prend un max de temps.

Même que, truc de ouf (pourtant je ne suis plus sous acide depuis longtemps, ce qui tendrait à signifier que c’est la réalité : j’ai passé les 2 premiers stades du recrutement, tindindiiiiiiiinnnnnnnn.), aussi incroyable que l’existence de la turritopsis nutricula, j’ai donc eu un entretien téléphonique d’embauche en anglais avec new york hier comme je le raconterai d’ici peu.

une Turritopsis nutricula, la méduse immortelle

3) cette semaine je « passais » – post futur qui expliquera aux curieux le pourquoi du comment des guillemets ici- aussi le concours de prof des écoles histoire de voir et de me réveiller à 5h du mat parce que c’est fun.

Et puis 4 aussi. Ce quatre là je l’aime bien, tellement que je m’en vais m’alanguir à m’étaler sur la chose (et si, cette phrase signifie quelque chose. )

Donc : Inconnu/Inconnue, si l’intermittence de ma présence ici provoque un doute en toi, n’en suppute point

[parenthèse : supputer. J’adoooore ce mot. Un de mes nombreux étonnements dans la vie est de constater combien ce vocable au potentiel ô combien égrillard est peu usité, voire totalement délaissé. Alors que zut flûte et cornegidouille, c’est quand même beaucoup plus rigolo de dire « supputer »  que « supposer » non ? Alors moi je dis, redonnons vie à supputer, car oui, supputer a le droit d’exister, le droit d’être prononcé, et nous le droit de jouer de la langue du langage, hein non mais !]

Donc, reprenons : si je ne viens qu’en pointillé, n’en supputez  point pour autant que cela soit parce que je glande(ou glandasse, tiens d’un coup le doute m’habite)  à fond les ballons. Ni que j’aie trouvé du boulot. …

Ah, parce que,-et voilà encore un secret bien gardé que je m’en vais vous dévoiler-, en dehors des mes périodes de dépression intense made in chômage, je m’agite beaucoup et fais beaucoup, beaucoup, voire même beaucoup de choses, en fait.

Et là ces derniers jours, en plus de ma dizaine de jours-je-postule-à-tout-va propre à Septembre,  je mettais les virgules, en plus des guillemets et des points finaux au dernier article universitaire que j’écrirais de ma vie à mon troisième article universitaire.

Si jamais tu as lu ma première geignasserie tu sais déjà que j’ai ce truc improbable qu’est un DEA d’anthropologie sociale.

Parce que j’ai du temps à perdre, aussi spatial, idéaliste,  ou total-déconnecté-de-la-réalité que cela puisse paraître, ce n’est pas pour rien que j’ai fait de l’anthropologie, j’aime ça, je kiffe tenter d’analyser des phénomènes sociaux voilà, et écrire chacun de ces articles m’a fait du bien au moral ou à ma conscience personnelle (en fait plus que ça même, ça m’a permis d’exorciser un truc, de répondre à un vrai besoin mais c’est un autre sujet)  Donc oui, j’ai passé des heures à écrire des articles pour des revues universitaires.

A ce jour, j’en suis à 3 articles, parus dans 2 revues différentes, une de développement à focale politologue, française, une d’anthropologie, canadienne, et, en plus, un chapitre dans un bouquin collectif sur l’aide humanitaire.

Les revues…… Il faut savoir que c’est là que se joue la pensée contemporaine, la vraie vie intellectuelle, et que… Bin personne ne le sait : qui sait qu’il existe rien qu’en France des centaines de revues universitaires dans tous les domaines imaginables du savoir et de la pensée ? Je veux dire, personne ne connaît les revues de physique nucléaire en dehors des physiciens qui bossent dans le domaine, personne ne connaît les revues de psycho en dehors des psys –et encore, pas tous-, personne ne connaît les revues d’anthropologie en dehors des anthropologues…..

Oui bon et alors me diras-tu, fringant Inconnu??

Et bien, alors, bien que personne ne les connaisse ces revues, elles sont essentielles au mouvement de la pensée, des sciences, du monde (ouais je m’emballe, même que).  Je veux dire par là que les débats les plus virulents, les carrières des Nobels et plus généralement de tout scientifique, de tout chercheur, les déclics qui font avancer les sciences et par conséquent la vie économique, technique, politique des populations mondiales, se jouent principalement là.

Quoi mais comment mais alors mais dîtes, révélez-nous le comment de la chose chère Viola, que je vous entends miauler devant vos écrans…..

Bop, d’abord,

c’est quoi exactement une « revue  universitaire » ?

Vous voyez la couv’ de Géo ? De Max, Vogue ou Closer ?

numéro de juil 05: rhooo c’est… c’est du Max quoi
Rhooooo, c’est beau, c’est du Géo!

Ouiiii ???

Bin c’est l’exact contraire.

Je m’explique.

Une revue, c’est

1)      Un truc hyper spécialisé, qui, en sciences humaines en tous cas, non seulement ne traitera que d’un domaine très particulier de la réalité (sociologie du langage, les migrations, l’anthropologie médicale, l’addictologie, la psychopathologie clinique en sociétés nomades, etc.) , mais qui, de surcroît,  aura une ligne éditoriale intraitable, entendons par là que le secteur particulier de la réalité couvert par la dite revue le sera majoritairement si ce n’est exclusivement sous un angle théorique ou/et méthodologique spécifique et pas un autre (structuralisme, post modernisme, néo marxisme, néo culturalisme, approche cognitive, socio-bio, institutionnelle… ou bien freudien pur et dur vs  lacanien etc.)

T’es perdu ? Normal tout le monde l’est. Le truc positif c’est que quel que soit le sujet qui vous intéresse, il existe une revue dessus. Tout le problème est d’en connaître l’existence, et, surtout, de se procurer la dite revue.

2)      Une diffusion ultra confidentielle. Tu ne  trouveras jamais une revue universitaire en point presse, ni dans une bibliothèque ou médiathèque normale. Non, tu ne la trouveras que dans une bibliothèque universitaire, ou de recherche, ou de musée. Le genre de bibliothèque où on vous demande des tas de choses pour avoir le droit d’y entrer (genre être étudiante ou chercheur, voire présenter une lettre d’un maître de conf ou d’un directeur de recherche), et où à moins d’être un ponte vous ne pouvez que consulter, jamais emprunter.

Bien sûr, les revues sont accessibles aux particuliers par abonnement ou par achat à l’unité, grâce à des ruses de sioux : en général, les délais entre la commande et la réception sont juste hallucinants, et… le prix aussi. Je ne connais aucune revue dont le numéro soit vendu à un prix inférieur à 15€, mais l’une de mes préférées se vend à 40 € l’exemplaire !

3)      Le format : attention hein, c’est cher mais il ne s’agit pas d’une vingtaine de pages sur papier journal : en gros ça ressemble çà un livre, et pas de poche hein…..

4)      Joyeux comme une porte de prison. Ne généralisons pas, mais soyons clair : si on lit une revue ce n’est pas pour la gaudriole, et les graphistes n’ont pas un max de taf : mise en page ultra sobre et super dense, typo taille 11 maxi, et peu ou pas de photos.

5)      Dirigée par un comité éditorial qui se désigne toujours sous l’appellation « comité scientifique ». En gros, un panel de pontes du secteur couvert par la revue.

6)      Une étape obligatoire pour devenir-et rester- chercheur. Car, oui, contrairement à ce que certains hystériques napoléoniens et leurs avocates d’affaires recyclées en ministre de la recherche l’affirment, le monde la recherche en général et française en particulier est sujet au contrôle permanent : ainsi, il est totalement vain de penser pouvoir entrer au CNRS si l’on a pas publié au mois 3 articles dans des revues universitaires prestigieuses, et il est impensable qu’un chercheur ne publie pas régulièrement sans perdre, si ce n’est ses financements, au moins son crédit et sa reconnaissance.

7)      Un truc à thème : en dehors des revues de « sciences dures », les revues fonctionnent la plupart du temps par numéros thématiques avec appel à propositions. C’est-à-dire que les  comités éditoriaux font paraître, quelque part et sans publicité –la problématique du numéro d’après, en général en la contextualisant d’un point de vue théorique, méthodologique, ou parfois conjoncturelle (genre un numéro sur le concept d’ « événement » paru 3 mois après le 11 septembre), en précisant la date limite à laquelle vous pouvez soumettre votre « œuvre », soit entre 10 et 25 pages selon les revues de réflexions übber révolutionnaires….

8)      Vous vous souvenez du comité scientifique, les joyeux lurons du 5° ??? Bon, hé bien, une fois que la multitude de chercheurs/thésards/paumés comme moi ont soumis leur article, les lurons les lisent, et disent, bin soit rien et c’est mort, soit oui mais ce n’est que le début. En général le comité envoie à l’auteur une série de questions/remarques/critiques méthodologiques/épistémologiques/bibliographiques/structurelles/formelles auxquelles l’auteur doit se soumettre et répondre, sans quoi l’article sera mis au panier et non publié.

9)      Des délais débiles : en général, entre un appel à propositions et la parution effective du numéro de la revue, il faut compter entre 4 et 18 mois…. Les revues les plus speed ont une parution mensuelle mais la plupart sont bimestrielles ou trimestrielles et on en trouve beaucoup de semestrielles….

10)   Les revues ont ceci de particulier que chacun des articles est, soit juste avant/juste après soit en début/fin de numéro, résumé, en général au moins dans la langue de la revue + l’anglais, et que chaque auteur fournit une mini biographie censé prouver que le fait qu’il donne son avis sur la question y est légitime.

Voilà ce que sont les revues universitaires.

Inconnues du grand public certes, mais omniprésentes dans le circuit universitaire (y compris les grandes écoles) et institutionnel mondial. Publier, c’est être à peu près certain de voir son travail utilisé, cité par d’autres, et quand le sujet est « porteur » ou le point de vue nouveau, souvent utilisé en cours dans une fac à l’autre bout du monde…..

La gloire

quoi….


Enfin quand ce qu’on dit est brillant   provocateur   tendance on a de la chance.

J’en ai eu, youpie.   Yep ! En effet, mon tout premier article fit un carton de folie : dans les 4 mois qui suivirent sa parution je reçus plein de mails d’étudiants, de France mais aussi des USA et du Canada, qui me demandaient conseil pour leurs recherches ou des entretiens sur le conseil de leurs profs, je fus invitée 2 fois à participer à des colloques…..

Ouaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis.

Sauf que.

SAUF QUE.


Bon, là je ne vais parler que des revues françaises, mais : vous imaginez le temps de travail que vous avez consacré à l’article, hein ? Du travail tout court que cela représente?

Bon.

Vous avez en souvenir le prix d’un exemplaire d’une revue hein ? Bien….

Bon, bien il faut savoir que les auteurs ne sont PAS DU TOUT REMUNERES. Jamais (hors pour la revue jésuite Etudes, qui doit payer un truc genre une centaine d’euros. Mais Etudes est à part : non thématique, traite de tout et n’importe quoi, diffusion ultra large : on peut même la trouver en bibliothèque municipale… )

Il ne leur est même pas obligatoirement donné un exemplaire du numéro dans lequel ils ont ont écrit (si si. Mon 2d article, bin je n’ai même pas eu un exemplaire. Juste des tirée à part électroniques de l’article!!!!!!!, -des fichiers pdf putain!-)

Les colloques  non plus. Enfin, sur les 3 auxquels j’ai participé à ce jour, il n’y en a eu qu’un où j’ai été rémunérée (et encore –mais c’est une autre histoire-, il s’est avéré qu’une partie importante du salaire m’avait été donné… en faux billets. Si si.)

On continue ? Plus haut j’ai parlé d’un chapitre que j’ai écrit dans un  bouquin qui est paru il  y a quelques mois. Bin là non plus je n’ai pas même reçu  un euro symbolique (je dis ça parce que je sais que la maison d’édition est en partie à compte d’auteur, et que par conséquent le think tank qui nous a demandé d’écrire nos lumineuse pensées qui vont révolutionner le fonctionnement des bailleurs et de l’aide humanitaire internationale a du lui-même payer une partie de l’édition)…..

Et on parle bien d’un livre là hein quand même.

Alors moi je m’interroge:

Comment y font, les profs et chercheurs que j’ai eus à la fac et à l’EHESS, pour ne pas être habillés comme des pouilleux ? Comment ils font pour sembler vivre des existences cossues, avoir des fringues comme je n’en n’ai jamais eues et ce genre de choses ? D’autant que les salaires de chercheurs et ceux de professeurs d’universités ne sont pas connus pour concurrencer ceux des traders….

Et puis, aussi, moi j’ai envie de tout casser un peu un peu. Parce que voyez, après  quand on me dit 1) que je ne fous rien puisque je ne suis pas payée (sic), ou que 2) il ne faut pas accepter de bosser sans être payée, ça n’énerve.

Mais pas autant, effectivement, que le fait de bosser sans être payée, ce qui, cher Inconnue/u, m’arrive souvent comme tu le verras si tu suis ce blog foutraque…..

Sur ce, histoire de et avant de vous laisser respirer après ce post maouss, tite vidéo qui met les choses un peu en perspective….